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acabit n’ont vraiment rien compris. Pire: ce sont souvent
les mêmes qui se pressent sur la scène à chaque occa-
sion – en dégustant une coupe de champagne et des
canapés au saumon gratuits lors de la remise de mé-
dailles. Et, comble de la honte, qui claironnent ce qu’ils
auraient fait et comment pour contribuer à ces succès!
Quitte à aborder le soutien contesté des sportifs par l’Etat,
qu’il soit permis ici de faire une petite digression éclairante
sur le thème du sport de pointe et des perspectives de ré-
munération en Suisse. Selon une enquête de l’Office fédé-
ral du sport OFSPO sur le sport de compétition publiée
en automne 2014 («Momentaufnahme SPLISS-CH 2011»),
la majeure partie des athlètes interrogés doit se contenter
d’indemnités plutôt maigres. Pendant l’année sous revue,
2010, 40% des sportifs professionnels touchaient moins
de 14 000 francs par an, et la rémunération médiane at-
teignait à peine 25 000 francs par an.
Corriger les dérives
En Suisse, l’argent ne constitue certes pas un obsta-
cle fondamental au financement de tâches et de projets
vraiment judicieux pour le bon fonctionnement de nos
collectivités et la garantie de notre bien-être et de notre
prospérité acquise. Le rôle central est plutôt joué par
un principe naturel: aucun paysan ne récolte sans avoir
travaillé durement auparavant. Mais le travail et la per-
formance ne garantissent pas le succès à eux seuls! Il
n’existe pas de droit au bonheur: une puissance supéri-
eure finit toujours par décider du succès ou de l’échec! Et
tout sportif est tôt ou tard confronté à cette vérité.
A cet égard, il y a de quoi sentir monter la nausée en
voyant les sommes englouties chaque année par ex.
dans la correction insensée et généralement totalement
infructueuse de dérives sociales – pensons aux accom-
modements spéciaux exorbitants pour des criminels ou
aux coûts excessifs de l’aide sociale. On bâtit et étend
ainsi des secteurs économiques artificiels pour assurer
un revenu à des individus pseudo-humanistes et coupés
des réalités. Un changement de cap est ici urgemment
nécessaire: le principe naturel de la cause et de l’effet doit
retrouver sa place légitime de ligne directrice centrale.
Aujourd’hui, les dérives relatives à la «performance»
débutent à l’école: un nombre croissant de pédagogues
ou théoriciens donneurs de leçons pensent devoir en tenir
les enfants éloignés au lieu de les préparer à la vie. En
termes politiquement incorrects, on nivelle en fonction des
éléments paresseux, lents, stupides. Que cette éducation
inadaptée rend d’ailleurs encore plus incapables de faire
face à la vie. Même manque total de jugement quant à
la «pression», considérée et «gérée» comme purement
négative. Ainsi, lors de retransmissions télévisées, nous
voyons si souvent des sportifs avoir à répondre à des
questions comme «la pression a-t-elle été trop forte?»,
«comment gérez-vous la pression?» ou «vous ressentez
cette pression terrible, n’est-ce pas?». Etonnant que ce
thème soit ainsi systématiquement mis en avant, non?
Le spectre de la pression
Se pourrait-il que les gens qui posent ces questions n’en
savent pas assez long sur la performance et l’effort qui y
mène? Car la pression n’a en fait rien d’extraordinaire et
certainement rien de nuisible. Quiconque veut et doit four-
nir des performances la côtoie chaque jour. La pression et
ses aspects connexes tels que l’adrénaline et le trac sont
absolument nécessaires et positifs. La pression autodé-
terminée exerce généralement une influence positive et
stimulante tandis que les pressions émanant de l’extérieur
sont ressenties comme négatives et inhibitrices. Les at-
tentes des entraîneurs, des parents, des sponsors et des
médias peuvent aussi avoir un effet corrosif sur la perfor-
mance des athlètes; et celui-ci est d’autant plus prononcé
que l’écart est grand entre les souhaits d’un côté et le
potentiel réel, les capacités effectives et l’engagement du
sportif de l’autre. Les proches devraient donc s’efforcer
d’exercer une influence constructive: soutien, coaching,
assistance lors de défaites, et cela bien sûr en fonction
d’hypothèses réalistes et pas de simples espoirs.
Pourquoi notre pays, en dépit d’une série de conditions
défavorables et de dérives sociales, produit-il régulière-
ment des sportives et sportifs de haut niveau? Parce que,
Dieu merci, il compte suffisamment de jeunes gens qui
résistent à la dictature de la médiocrité, qui visent des
performances exceptionnelles par plaisir, avec motivation,
et suivent résolument les «cours» de cette école de vie.
Regardez-les dans les yeux et vous verrez un feu ardent,
une passion irrésistible et une volonté inébranlable de de-
venir le meilleur ou la meilleure. D’ailleurs, dans la grande
majorité des cas, les qualités de base qui font le succès
apparaissent plutôt chez ceux qui ne naissent et ne gran-
dissent pas dans la soie. Il s’agit de découvrir ces talents,
de les encourager et de les soutenir – ceci en veillant tou-
jours à ce que l’impulsion vienne de l’athlète lui-même.
Pas de place pour les poseurs et la médiocrité
Cela ne peut réussir que si le milieu aussi répond à de
hautes exigences. Les entraîneurs, les coaches et les
fonctionnaires doivent se consacrer à la tâche et à la
cause, c’est-à-dire aux athlètes, de tout leur cœur et toute
leur compétence. Ceux qui ne poursuivent que des inté-
rêts personnels, qui ignorent les athlètes ne s’inscrivant
pas dans leur schéma (car leur sport ne rapporte ni argent
ni gloire), qui entravent leur développement ou encore
sèment des obstacles sur leur chemin n’ont pas leur place
ici.
Aucun paysan ne récolte
sans avoir travaillé
durement auparavant!